Avec la hausse des taux d’intérêt et de l’inflation, les investisseurs ont besoin d’une double approche permettant à la fois de garantir des revenus réguliers et d’offrir un potentiel haussier de leurs investissements. La dette d’immobilier d’entreprise fait de plus en plus partie de cette stratégie, notamment parce qu’elle peut aussi offrir d’intéressantes caractéristiques environnementales, sociales et de gouvernance (ESG).
Les problèmes financiers s’accumulent pour les gouvernements à travers la planète. Les marchés sont redevenus volatils en raison des tensions commerciales et militaires à l’échelle mondiale, des effets persistants de la pandémie de COVID-19, des catastrophes naturelles, de l’arrivée à échéance des dettes et de la hausse des taux d’intérêt, ainsi que de la moindre croissance attendue des PIB en 20231. Obtenir des performances positives dans ces conditions compliquées relève de la gageure.
Selon le dernier Rapport sur la stabilité financière dans le monde du FMI, ces défis ont également un impact marqué sur les institutions financières, qu’il s’agisse d’assureurs, de fonds de pension, de hedge funds ou de fonds communs de placement. Il n’est pas surprenant que ces investisseurs recherchent des revenus défensifs, non cycliques et offrant une certaine stabilité.
La dette privée d’immobilier d’entreprise, une classe d’actifs alternative relativement jeune mais prometteuse, pourrait contribuer à répondre à cette demande. Traditionnellement, c’est avant tout le secteur bancaire qui accordait des prêts destinés à financer l’immobilier d’entreprise (tels que les magasins de distribution, les bureaux ou les bâtiments logistiques). Mais ces dernières années, les investisseurs privés ont eu l’occasion d’apporter une partie de ces financements et de capter des performances attractives, en particulier dans le cadre d’accords de financement pour des projets d’envergure impliquant différentes tranches souscrites par un certain nombre d’investisseurs.
Cette tendance s’explique par un certain nombre de facteurs économiques et réglementaires plus larges qui ont donné aux investisseurs un meilleur accès à ce marché tout en stimulant la demande pour ces produits.
Facteurs soutenant la croissance du marché de la dette privée d’immobilier d’entreprise :
- La hausse des taux d’intérêt – Dans le climat actuel, les investisseurs considèrent qu’il est plus intéressant de détenir des dettes à rémunération élevée, telles que les dettes d’immobilier d’entreprise, pour obtenir des performances similaires voire supérieures à celles des actions, avant même toute croissance du capital.
- Des marchés volatils – Il est nécessaire de disposer de flux de revenus prévisibles, sûrs et croissants, générés par un calibrage approprié du montant de dette, des paiements réguliers issus de la dette et des actifs collatéraux.
- Activité récente du marché – Les ventes massives d’immobilier d’entreprise par des gérants de fonds privés à la suite de la crise britannique des gilts et des fonds pensions de l’automne 2022 a conduit les investisseurs à chercher de nouveaux domaines auxquels allouer leurs capitaux.
- Changements réglementaires – En raison des incertitudes économiques, les banques et les prêteurs à faible risque réduisent le montant des financements accordés pour les transactions de dette senior. Ils sont également moins actifs sur le segment de la dette junior. Il en résulte un déficit de financement pour la dette junior. Les deux phénomènes ont créé des opportunités pour les investisseurs.
- Opportunité de diversification – Les investisseurs peuvent diversifier les risques de façon personnalisée en adoptant une approche de portefeuille « transaction par transaction », plutôt que des stratégies globales par secteur ou par pays.
Comment les investisseurs peuvent réduire les risques grâce à la diversité des opportunités ?
Maintenant que nous sommes entrés dans une ère de taux d’intérêt positifs dans la zone euro, nous nous attendons à ce que les investisseurs allouent davantage de capitaux à la dette privée immobilière d’entreprise en raison de ses rendements plus élevés.
Mais cette classe d’actifs n’est pas seulement attractive pour les investisseurs qui cherchent à capter une prime liée à des actifs moins liquides. L’investissement dans la dette immobilière d’entreprise est également susceptible de réduire le risque des portefeuilles en raison de la nature prévisible de ces flux de revenus. Cela peut être particulièrement intéressant pour de nombreux investisseurs professionnels, notamment les compagnies d’assurance, les family offices ou les fonds souverains.
La dette privée d’immobilier d’entreprise constitue un marché en pleine croissance et diversifié, qui dispose d’un éventail d’options d’investissement aux profils rendement/risque distincts. Les options disponibles pour les investisseurs se sont multipliées ces dernières années, les prêteurs traditionnels, tels que les banques, étant moins désireux ou capables (en raison des changements réglementaires) d’investir dans des transactions de dette junior. Ces options d’investissement peuvent offrir des rendements potentiellement plus élevés aux investisseurs disposés à prendre une certaine dose de risque proportionnel.
Dans le même temps, un plus grand nombre d’emprunteurs se présentent sur le marché pour refinancer leur dette ou chercher des prêteurs disposés à accorder des conditions plus souples, ce que les acteurs du marché privé peuvent leur offrir.
Ces nouvelles opportunités ont permis aux investisseurs de se diversifier plus facilement au sein du secteur, que ce soit sur le plan géographique, du type d’actifs, de la durée ou du profil rendement/risque. Plutôt que d’être enfermé dans une seule stratégie sectorielle, il est ainsi possible de rechercher des opportunités spécifiques, notamment des opportunités d’investissement présentant des caractéristiques ESG favorables.
La règlementation s’accompagne d’opportunités
En raison du durcissement des normes de prêt et des contraintes réglementaires, les banques doivent réduire leurs participations en capital dans l’immobilier d’entreprise. Par exemple, le ratio de couverture de liquidité imposé par la règlementation Bâle III et le niveau du risque en capital que les banques sont prêtes à assumer ont diminué.
Cela a permis à d’autres acteurs d’investir dans des segments clés de la dette privée d’immobilier d’entreprise. Les banques ont tendance à être naturellement prudentes en raison de ces contraintes réglementaires et sont moins disposées à prendre du risque en capital ou à accorder davantage de prêts junior. Ce domaine est devenu le territoire des acteurs du marché privé, tels que les fonds immobiliers.
Les banques ont progressivement réduit l’octroi de prêts junior au cours des deux dernières décennies. De nombreuses banques distribuaient autrefois la tranche senior d’un prêt donné et conservaient la tranche junior, à savoir la plus rémunératrice. Mais avec les nouvelles restrictions réglementaires et économiques d’aujourd’hui, le mouvement inverse se produit.
Les comités d’investissement des fonds se tournent de plus en plus vers la dette junior d’immobilier d’entreprise, car elle peut offrir des rendements supérieurs à 7-8 %, et ce dans les conditions actuelles de marché. En supposant que ces rendements sont issus de prêts équivalant à des obligations notées double B, ils apparaissent attractifs même par rapport à des actifs liquides, tels que les obligations cotées.
Un regard sur la dette junior
Comme mentionné précédemment, le contexte actuel de marché peut s’avérer difficile pour les actions immobilières, le consensus anticipant une baisse de 10 % des prix des actions2. Toutefois, la dette privée d’immobilier d’entreprise, en particulier dans le segment junior, peut constituer une solution d’investissement attractive pour ceux qui recherchent toujours une exposition à l’immobilier. Naturellement, compte tenu de l’augmentation de la volatilité des marchés cette année, nous avons assisté à une réduction des risques, tant du côté des investisseurs que de celui des prêteurs. Côté investisseurs, nous avons constaté qu’ils avaient tendance à se retirer des actions pour privilégier des actifs plus sûrs, tandis que les prêteurs ont adopté une approche plus prudente, en accordant des prêts avec des ratios LTV (« loan-to-value » ou prêt sur valeur) plus faibles. Vers fin septembre, le ratio LTV moyen approchait ainsi 55 % (contre environ 60 % en fin d’année 20213).
Graphique 1 : le ratio prêt sur valeur dans l’immobilier a tendance à augmenter
Source : CBRE, juillet 2022.
Cette tendance à la hausse du ratio LTV (Graphique 1) représente une opportunité intéressante pour la dette immobilière junior, car elle a créé une demande de la part d’emprunteurs ayant besoin de financements à des niveaux de LTV antérieurs plus proches de 60 – 65 %.
En fait, le contexte actuel de marché a créé une situation où les prêteurs peuvent financer des opportunités juniors présentant des caractéristiques et des qualités similaires aux prêts seniors. Dans cet environnement où les prêteurs adoptent une approche plus conservatrice, il n’est pas surprenant que les stratégies opportunistes puissent bénéficier d’une croissance attendue de 5,9 % par an.
Graphique 2 : prévisions des actifs sous gestion pour l’immobilier en Europe
Source : Prequin, septembre 2022.
Les scénarios présentés sont des estimations de la performance future basée sur la façon dont la valeur de cet investissement a évolué dans le passé, et/ou sur les conditions actuelles du marché. Ils ne doivent pas être considérés comme des indicateurs exacts. Ce que vous obtiendrez variera en fonction de l’évolution du marché et de la durée de détention de l’investissement/du produit.
Du point de vue des performances, la dette junior d’immobilier d’entreprise continue d’offrir des rémunérations attractives, même par rapport aux rendements actuels des marchés obligataires. Au cours du second semestre de l’année, nous avons constaté que la dette junior d’immobilier d’entreprise offrait des rendements de plus de 7 à 9 %4, ce qui est attractif même par rapport aux obligations d’entreprises européennes notées BB équivalentes qui rapportent environ 7 %5. En outre, toute comparaison de performance entre les actions immobilières et les obligations à haut rendement doit tenir compte de considérations de risque. Bien qu’elle soit subordonnée à la dette senior, la dette junior d’immobilier d’entreprise est toujours assortie de clauses restrictives et de collatéral (contrairement aux obligations à haut rendement non garanties), ce qui apporte une sécurité supplémentaire.
La dette junior d’immobilier bénéficie également d’un coussin lié au capital : les prêts juniors ne subissent des pertes qu’en cas de chute de la valeur du capital de plus de 30 %, voir Graphique 3. Cela montre que la dette junior ne subit aucune perte (mesurée par un TRI mezzanine) tant que la valeur des biens immobiliers ne baisse pas de plus de 30 %. La protection contre le risque de baisse est donc élevée. Dans le cas contraire, la valeur de la dette reste stable.
Graphique 3 : variation de la valeur du bien immobilier pendant la période de détention

Source : CBRE, BNP Paribas AM, 2022.
En résumé, dans l’environnement actuel, la dette junior d’immobilier d’entreprise représente une solution intéressante pour les investisseurs à la recherche de rendements plus élevés et/ou d’une plus grande sécurité.
Conclusion
Les investisseurs institutionnels qui souhaitent s’exposer aux marchés immobiliers sans étendre leur exposition aux actions envisagent de plus en plus les opportunités offertes par la dette privée d’immobilier d’entreprise. Ces véhicules d’emprunt comblent un vide dans le financement de la dette junior et peuvent offrir la stabilité, la sécurité et les performances plus élevées que les investisseurs recherchent en période d’inflation élevée et de cycles baissiers du marché.
Chez BNP Paribas Asset Management, nous sommes convaincus qu’avec l’aide apportée par notre Sustainability Centre en matière de due diligence et de recherche, nous trouverons des opportunités d’investissement attractives à moyen et à long terme qui non seulement atteignent ou dépassent les objectifs ESG de nos investisseurs, mais qui procurent également un plus grand sentiment de sécurité financière en ces temps difficiles.
Références
1 https://www.imf.org/en/Publications/WEO/Issues/2022/10/11/world-economic-outlook-october-2022
2 Preqin, CBRE, Metlife, 2022
3 CBRE, octobre 2022.
4 BNPP AM, octobre 2022
5 BBG, 31 octobre 2022
Avertissement
